samedi 13 décembre 2008

Flatulences d'appartement et pop ascensionnelle


We owe you nothing/You have no control : voilà le genre de vieilleries que j’entends dès mon arrivée au Sonic -il n’y a que là bas que j’écoute les disques que pourtant je possède encore et que je connais par cœur mais qui prennent la poussière depuis des lustres sur les étagères familiales. Plaisir garanti. Avec le premier groupe de la soirée je ne vais pas pouvoir dire exactement la même chose. Autant j’aime le nom choisi par ces cinq jeunes gens -Solarium Tremens, un jeu de mot foireux presque échappé de l’imagination d’un grindeux fertilisée à Creutzfeldt Jakob- autant j’ai détesté tout le reste. Sauf peut être la harpiste. Ils sont donc cinq avec de droite à gauche : une violoniste, un premier guitariste, une harpiste (avec une harpe comme je n’en ai encore jamais vue, en plastique bleu et amplifiée, cela me change des soirées à l’opéra), un second guitariste et un joueur de didgeridoo. Dans mon panthéon personnel de la haine ordinaire je crois que j’abhorre cet instrument au même degré que le djembé, la flutte à six schtroumpfs ou le piano à nain. Voir les deux musiciens le plus à gauche enlever leurs chaussures puis leurs chaussettes ne m’a pas rassuré non plus.
La musique de Solarium Tremens est très agréable mais parfaitement incolore, post rock acoustique (je salue l’exploit d’arriver à faire des montées en flèche avec deux guitares sèches) et extrêmement mélodieux. Chaque titre est introduit par un court laïus du souffleur de didgeridoo, laïus que je n’arrive jamais à comprendre, par exemple : ce morceau traite de l’aliénation, il s’appelle «Quatre». Finalement je ne crois pas avoir affaire à de l’humour grind core. Peut être que sinon le groupe se serait appelé un truc du genre Sex Vomica mais en attendant c’est plutôt Sieste Vomica et j’attends qu’il se passe enfin quelque chose : je n’arrive pas à me mettre au rythme de cette musique qui c’est sur ne va rien faire pour parcourir le chemin inverse. A un moment je pense très fort à Crëvecoeur (formule instrumentale similaire, etc) mais sans le côté western/mariachis/eau de feu qui pimenterait l’atmosphère. Je renonce à prendre des photos du groupe (qui en plus joue dans la pénombre) et vais voir ailleurs si j’y suis. 



















Le début du concert de Pas Chic Chic est catastrophique. Le son est très fort pour un groupe de pop/chansons et ressemble à une vraie bouillie. Les différents musiciens ont l’air de jouer les uns à côté des autres, rien n’est en place et surtout pas la voix de Roger (Tellier-Craig : ex Godspeed You! Black Emperor et surtout ancien Fly Pan Am) qui chante comme une casserole -aussi faux qu’Alain Chamfort si cela peut te faire plaisir et sans s’être fait banana-splité par Lio. Encore une mauvaise pioche me dis-je, dommage car ce soir c’est sûrement le dernier concert de l’année auquel je vais assister.
Le son s’éclaircit enfin, les voix dont celle de la claviériste aussi. Cette dernière semble faire un concours avec Leah Buckareff -la bassiste de Nadja- pour les lunettes et les fringues les plus moches du monde : Marie-Douce (c’est son nom) ne porte pas de chemisier mais rattrape son retard esthétique grâce à une étole, égalité les filles. Les deux chanteur(se)s/synthétiseurs jouent tout devant par terre et derrière eux on aperçoit (sur la scène cette fois) le couple basse/batterie et un guitariste qui ne quittera ni écharpe ni bonnet de tout le concert. Les québécois sont vraiment des gens frileux.


















C’est lorsque ce guitariste se mettra lui aussi au synthétiseur -pour une nouvelle pièce longue mais bien nous précise Roger- que Pas Chic Chic deviendra enfin intéressant, croisement entre Kraftwerk et Dutronc/Gainsbourg/Bashung avec une rythmique hypnotique as Can et infernale en arrière-plan, du kraut variété comme personne n’en avait rêvé avant ce groupe. Même lorsque le guitariste reprendra son instrument d’origine pour un dernier titre (il consentira enfin à en sortir quelques notes déchirantes à défaut d’un peu de charisme), Pas Chic Chic éclatera les barrières entre mélodies sucrées, tribalisme synthétique et vapeurs noisy. Ce sera amusant de voir le soundman du groupe (c’était pas trop fort les gars ? c’est que j’ai plus l’habitude de travailler dans des grandes salles) quitter la table de mix derrière laquelle il n’a pas arrêté de se trémousser comme un hippopotame pour se précipiter sur l’ampli du guitariste et en baisser le volume alors que celui-ci imitait plutôt bien My Bloody Valentine and C° en pleine phase d’explosions sonores de fin de partie.
Au total une cinquantaine de minutes d’une musique improbable avec plein de bonnes surprises et surtout des perspectives intéressantes et imaginatives. Va juste falloir apprendre à maîtriser un peu plus ce son protéiforme à la palette riche et variée -comme sur le premier LP du groupe, Au Contraire, qui dévoile des trésors de pop miraculée et addictive. A suivre et à revoir, donc.